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L’histoire que vous allez découvrir vous ramènera peut-être à votre passé, ou à un événement traumatisant que vous avez pu vivre. Vous n’avez pas eu d’autre choix que d’avancer malgré tout, avec cette conscience silencieuse et convaincue que quelque chose (ou quelqu’un) vous a été volée, et que c’est irréparable. 

Alors que celui (ou celle) qui vous a fait souffrir n’est jamais (ou pas encore ?) venu frapper à votre porte, pour réparer ou vous rendre ce que vous avez perdu, vous flottez entre passé et présent. L’avenir ? Vous avez beaucoup de mal à vous y projeter. C’est normal.

Après avoir été muette durant de nombreuses années, Sandrine* nous raconte comment elle s’est échappée de la prison de la honte et de la peur. Artiste peintre, elle exprime alors sa douleur sur des toiles à grands coups de pinceaux. C’est un premier cap vers la liberté.

 

Sandrine, pouvez-vous nous décrire la situation qui a volé une grande partie de votre vie?

 

« Cette date est restée ancrée : mardi 22 octobre 1991. J’ai 7 ans. Je viens de finir mon cours de piano. Les derniers élèves quittent avec moi les longs couloirs de l’école. J’ai soif. Je décide de passer par la fontaine d’eau avant de poursuivre mon chemin pour rentrer chez moi.

À mon arrivée, il n’y a personne près de la fontaine, située à l’entrée des toilettes de l’école. À ma grande surprise, trois garçons sortent des toilettes de l’école en courant. Ils se cachent derrière la fontaine. Ce sont des « grands », ils ne font pas partie de l’établissement.

Je reconnais le grand frère collégien de l’une des élèves pianistes. Ils m’ont vue et se mettent à rire. Ils m’interpellent à plusieurs reprises, mais je ne les comprends pas. Ils m’impressionnent. Je me dépêche. Je décide de courir pour les éviter et rentrer au plus vite, mais avec leurs grandes jambes, ils me rattrapent rapidement par le bras. Ils paraissent en colère. Je me débats, mais il m’est impossible de résister à la force de trois garçons. Ils continuent de crier. Ils me traînent par les cheveux dans les toilettes de l’école. L’un des garçons me plaque sur le sol froid. Les autres regardent. Il ouvre mon chemisier et me touche.

Des rires gras résonnent sur les murs carrelés des sanitaires. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. On entend alors des bruits de pas à l’extérieur. Deux des garçons s’enfuient aussitôt. Le dernier m’aide à me relever et me demande de ne rien dire, de garder le silence sous peine de représailles. Je suis rentrée chez moi – en silence. »


Quelles ont été les conséquences de ce pardon non-entendu?

 

« Ce même jour, du haut de mes sept ans, j’ai mis « sous silence » cette journée d’octobre, m’interdisant de croire en cette réalité inexprimable.

J’ai alors commencé à poser les premières pierres d’une forteresse intérieure pour me protéger d’éventuelles « représailles ». Toujours sur le qui-vive, la peur de l’autre et de l’intimité est devenue l’habitante principale de cette forteresse.

Sous couvert d’une hypersensibilité et d’une imagination débordante, j’ai su rendre cette détresse moins visible, pour les autres et pour moi-même. Je m’étais défendue d’en parler, de peur de faire souffrir les gens qui m’aimaient et que j’aimais.

Qu’avez-vous mis en place pour vivre avec les conséquences de ce drame?

 

« Rendre invisible une souffrance ne la rend pas inexistante. Alors, sans comprendre pourquoi, je pouvais vaciller entre des états de tristesse, de culpabilité (celle de cacher cette vérité) et d’anxiété (stress).

Pour faire taire cette souffrance intérieure, j’ai longtemps mutilé mon corps. La douleur ressentie, plus forte, a couvert le trouble interne pour un temps seulement. J’ai également éprouvé le besoin de me remplir, de manger du « réconfort » pour calmer la douleur. J’avais trouvé, semble-t-il, le bon remède : « avaler mes émotions » pour les faire disparaître.

Je savais que ces comportements étaient nocifs, et n’étaient que des simulacres de réconfort, mais ils étaient devenus mes « alliés privilégiés » pour tenter de continuer de taire la réalité par mes propres forces. »

 

Sandrine, êtes-vous parvenue à pardonner cette personne?

 

« J’ai trouvé une oreille attentive auprès de mes pasteurs. Ces temps d’échanges m’ont permis de saisir encore un peu plus les profondeurs de l’amour de Dieu et Ses plans de grâce pour ma vie. J’ai saisi encore plus intensément que Sa grâce n’a pas de limite, ni pour moi, ni même pour l’autre.

La route a été longue et parcourue par différentes étapes pour arriver à la manifestation parfaite de la grâce : le pardon complet. La première étape décisive a été celle de choisir de pardonner (juste pardonner, sans haine ni amertume).

J’ai décidé de lâcher cette « vérité mise sous silence » et de la « donner ».  Un jour, j’ai décidé de jeter tous les croquis et peintures, preuves de ma souffrance passée. J’ai su alors que je renonçais à punir et à me punir. J’ai pardonné le jour où j’ai décidé de ne plus m’accrocher aux souffrances, mais à la vie. J’ai libéré ces trois adolescents-agresseurs de ma tête, de mon cœur et de mon corps.

Alors oui, je peux dire que j’ai pardonné. »

 

Votre pardon vous a-t-il permis d’entreprendre une démarche de réconciliation avec l’agresseur?

 

« Cela a été un long processus. 15 ans plus tard, j’ai eu l’occasion de croiser « par hasard » dans les transports en commun les trois agresseurs. Je me souviens avoir été pétrifiée à l’idée d’être reconnue ; mes oreilles se sont instantanément bouchées et un acouphène, tel un sifflement étourdissant est apparu. Il dura trois jours. L’un d’entre eux m’a regardée fixement tout au long de leur trajet. Puis sans un mot, ils ont quitté la rame de tram à la station suivante. Je me souviens être restée assise jusqu’au terminus de la ligne en pleurant – en silence. Ce passé mis sous clé pendant si longtemps et avec tant d’ « efforts » venait de refaire surface.

Décontenancée et fatiguée par l’acouphène, avant de m’endormir, je me souviens avoir prié : « Je n’y arriverai plus,  je t’en supplie, fais taire ces bruits intérieurs, Seigneur, aide-moi ». Trois mots ont alors agité mon esprit : « Brise le silence ! »

Ce jour-là, je me suis donnée le droit de « briser le silence », d’affronter la réalité. Je me suis donnée le droit de voir (et d’entendre) la vérité en face. À cette époque, étudiante en arts visuels, j’ai choisi de parler à la force de mes pinceaux. Au fil des nombreuses feuilles blanches, ils ont nommé les agresseurs, les mots moqueurs et de déshonneur, les actes impudiques, les blessures de l’intimité. J’ai dessiné le portrait de ce mal qui m’a rongée pendant si longtemps : l’abus.

Au fil de la peinture déposée et des temps de prières, mon âme a beaucoup pleuré de tristesse, de honte et a aussi crié vengeance ! Une colère enfouie a alors explosé. J’ai confessé mon droit de vengeance et aussi appris à renoncer… pour trouver une paix insoupçonnable.

Je crois qu’il n’y a pas de hasard ! Suite à ce long processus, j’ai rencontré, lors d’un vernissage d’exposition, l’un des agresseurs, le « grand frère collégien d’une des élèves pianistes », celui-là même qui m’avait demandé de mettre sous silence l’agression. Cette fois-ci, je n’ai pas été pétrifiée de peur, pas même de colère. Il a accepté de m’écouter. Je lui ai évoqué mon chemin parcouru,  jusqu’à la décision de pardonner. Il a gardé le silence un moment. Nous nous sommes quittés sur des termes apaisés.

Je ne sais pas s’il s’agit d’une démarche de réconciliation, ou même si je vais avoir un jour l’occasion de le revoir, lui ou les autres, mais cette rencontre a scellé ma guérison. »

 

 

Cette réconciliation a bien eu lieu chez Sandrine, mais pas chez son agresseur qui n’a montré aucun signe de regret, ni n’a cherché à demander pardon à Sandrine pour son erreur. Quand la possibilité de “demander pardon” est offerte à celui ou celle qui nous a causé du tort est acceptée, on peut dire que “la boucle est bouclée”.

Si vous aussi vous avez un secret, scellé par le poids de la honte ou de la peur et que vous souhaitez, comme Sandrine, brisez cette loi du silence. Découvrez notre parcours vidéo sur le chemin du pardon. 

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