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Réconcilier la politique avec le pardon, est-ce possible ? (2/2)

L’article ci-dessous est la suite du premier article sur la réconciliation entre la politique et le pardon.

La politique du pardon pour résoudre les conflits nationaux

La parole politique est une épée à double tranchant : descriptive et performative. Les conflits ou les tensions finissent toujours par survenir en politique soit à l’intérieur du territoire national, soit avec un autre pays. Il arrive régulièrement que le conflit ne se résolve pas de lui-même, que les tensions demeurent et que le passé ne passe pas. Pour résoudre ce problème, le politicien peut alors mentir ou forcer les gens à oublier. C’est ce que fait Henri IV par exemple pour mettre fin à la guerre de religion en France. Dans son Édit de Nantes (1598), il interdit à tout le monde d’en parler. Non seulement c’est moralement contestable, mais en plus ça ne marche pas toujours (si je vous demande de ne pas penser à un éléphant rose, cela produit l’effet exactement contraire) ! Les blessures profondes guérissent rarement sans être recousu et les points de suture les plus efficaces pour un passé qui ne passe pas, c’est peut-être le pardon. Hannah Arendt décrit ainsi l’importance du pardon :

« Si nous n’étions pardonnés, (…) notre capacité d’agir serait comme enfermée dans un acte unique dont nous ne pourrions jamais nous relever ; nous resterions à jamais victimes de ses conséquences, pareils à l’apprenti sorcier qui, faute de formule magique, ne pouvait briser le charme. »

 

Peut-il exister un pardon politique sincère ?

 

Les puristes diront qu’en politique il n’est pas vraiment question de pardon, que tout pardon intéressé, même avec des objectifs nobles, n’est pas vraiment un pardon authentique.

Oui, le pardon en politique est presque impur par nature et souvent couplé avec des intérêts économiques, géostratégiques ou sociaux. Cela ne le rend pas moins nécessaire. A l’échelle de l’individu, c’est d’ailleurs la même chose. Quand on demande pardon ou quand on pardonne, on n’est jamais vraiment sûr que ce soit pour des motifs totalement « purs », S’il fallait attendre d’être sûr d’être pur pour demander pardon, le monde serait dans un état de chaos indescriptible.

 

Et cela n’empêche pas (parfois) le pays en question ou a minima le dirigeant qui parle de pardon d’être sincère. Quand Mandela arrive au pouvoir, l’Afrique du Sud est brisée par des décennies d’apartheid. Il met alors en place un système politique et juridique pour faire la lumière sur ce qui a été commis et initier une démarche de pardon à travers la célèbre « Commission Vérité et Réconciliation ».

 

Pour une politique lucide du pardon

 

Attention cependant à l’angélisme ou la naïveté ! Même le modèle par excellence, celui de l’Afrique du Sud, a laissé des résidus de haine et n’a pas entièrement réconcilié une population meurtrie.

L’État ne peut pas forcer les gens à demander pardon ou à pardonner. Il peut inciter, il peut mettre en place les conditions, il peut, au nom du pays, demander pardon (et c’est important !) mais il ne peut pas forcer qui que ce soit à pardonner.

Parfois c’est le bourreau qui refuse de demander pardon, comme chez certains nazis au tribunal de Nuremberg. Parfois, cependant, c’est la victime qui devient le tyran et profite de l’état de culpabilité du bourreau repenti pour en abuser. Il est difficile, pour le coupable repenti, de trouver la juste mesure entre d’une part le désir et la volonté de réparer ses torts, et d’autre part les limites parfois nécessaires à cette bonne volonté pour ne pas subir de plein fouet le ressentiment de la victime ou de ses héritiers qui profitent parfois de la situation pour justifier des actes inadmissibles. Emil Cioran le disait de manière crue sans illusion aucune : les opprimées, qu’il faut défendre sans l’once d’une hésitation, « sont pétris de la même boue que leurs oppresseurs ».

 

La politique du pardon n’est pas une recette miracle. Elle a ses limites, ses défauts même, ses échecs aussi. Elle n’en demeure pas moins souvent indispensable pour réparer et reconstruire.

 

      Article de Cyril Philippe

 

 

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